Je n’aime pas les foules, et pourtant j’étais présente aux Journées mondiales de la jeunesse
Article d’abord publié par Global Sisters Report; traduction: CND
Des sœurs qui se sont connues par l’intermédiaire de l’organisation Giving Voice se rencontrent en personne pour la première fois à la Cité de la Joie lors des Journées mondiales de la jeunesse à Lisbonne, au Portugal. De gauche à droite, sœur Kathryn Press, Apôtre du Sacré-Cœur, sœur Libby Osgood et sœur Christa Gesztesi de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal. (Avec I’autorisation de Libby Osgood)
Je n’aime pas les foules. Je n’aime pas non plus particulièrement me tenir à un stand et avoir la même conversation avec les hordes de gens qui passent. C’est pourquoi j’ai été très surprise de me retrouver avec plus d’un million de personnes à Lisbonne, au Portugal, à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse, dans un salon des vocations, représentant la Congrégation de Notre-Dame de Montréal, ou CND.
Puis, je me suis souvenue que j’aime voyager, explorer différents coins du monde, et découvrir la beauté unique de chaque ville, pays et culture. Les maisons pastel et élancées de Lisbonne me rappellent les habitations de St John’s, à Terre-Neuve. Des carreaux de céramique brillants sont disposés sur des bâtiments en pierre imposants, évoquant les tons de l’art bleu de Delft en Hollande. Les pavés neufs et anciens qui parsèment les trottoirs et les rues reflètent la façon dont Lisbonne embrasse à la fois son histoire et sa modernité. C’était le cadre idéal pour rassembler les jeunes de notre église afin qu’ils embrassent notre histoire et se tournent vers notre avenir.
Par ailleurs, j’ai été attirée par l’épicentre que constituent les jeunes catholiques du monde entier parce que j’aime profondément les femmes de ma congrégation. Je saute sur toutes les occasions d’être avec elles dans l’esprit de visitation de la Congrégation de Notre-Dame et du thème des Journées mondiales de la jeunesse de cette année, « Marie s’est levée et est partie en hâte ». Avec mes sœurs du Cameroun, du Honduras, du Japon, du Canada et des États-Unis, nous nous sommes préparées pendant plus d’un an à tenir un kiosque des vocations dans la Cité de la Joie, un coin des festivités, en vivant les Journées mondiales de la jeunesse en tant que religieuses consacrées plutôt que de participer avec les jeunes du diocèse.
Avec l’aide de Zoom et de traducteurs, nous avons proposé des expériences de visitation mémorables avec les jeunes qui pouvaient être accompagnées de souvenirs tangibles et durables sur le plan environnemental à emporter avec eux ou à échanger avec d’autres pèlerins. Représentant les nombreuses cultures de notre congrégation, nos sœurs honduriennes ont fabriqué des porte-clés sombrero et nos sœurs camerounaises des bracelets en perles. Nos sœurs japonaises ont fabriqué 5 000 grues de la paix en origami et nos sœurs américaines ont fait appel à des élèves du secondaire pour fabriquer des chapelets en bois.
Mes étudiants canadiens en ingénierie ont utilisé des découpeurs laser pour graver des porte-clés en bois avec le logo de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal. Évitant les babioles en plastique ou à usage unique pour respecter notre maison commune, nous n’avons pas pu nous empêcher d’apporter des tatouages temporaires, ce qui a suscité des occasions de créer des liens au-delà des barrières linguistiques lorsque nous appliquions la croix du logo de la CND sur les avant-bras qui nous étaient tendus avec enthousiasme.
Pour s’assurer qu’il s’agissait d’un projet de congrégation s’étendant au-delà des sœurs qui se sont rendues à Lisbonne, nous avons partagé des vidéos de la préparation avec toutes les sœurs CND, nous avons tenu une prière multilingue « d’envoi » à l’aide de Zoom pour bénir les nombreux pèlerins, et une fois au Portugal, nous avons envoyé des rapports quotidiens et des photos.
Pendant les trois jours de la foire des vocations, nous avons interagi avec au moins 100 pèlerins par heure pendant huit à douze heures par jour. Étonnées par les foules, nous, les sept sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, avons voyagé ensemble par les trains, le métro, les autobus et dans les rues pavées du Portugal.
Au salon des vocations, à proximité de centaines de stands de réconciliation, nous nous sommes rapprochées de nos amis appartenant à d’autres communautés religieuses et à des organisations laïques. J’ai même rencontré des sœurs que je n’avais connues qu’en ligne, par l’intermédiaire de Giving Voice, une organisation de religieuses âgées de moins de 50 ans. Ayant communiqué à l’avance par WhatsApp, nous nous sommes intentionnellement cherchées. La « Cité de la Joie » était un nom approprié pour les nombreuses visitations qui s’y sont déroulées!
Nous avons eu la chance d’être au bon endroit au bon moment : nous nous trouvions sur le trottoir pour nous rendre à notre kiosque lorsque le pape François est passé à côté de nous, rayonnant par la fenêtre de sa voiture et nous faisant signe de la main. Étant ingénieure et souvent sceptique, je ne m’attendais pas à être aussi émue que je l’ai été par la brève présence du pape François. Avant cette expérience, je me disais : « C’est manifestement une personne spéciale, profondément spirituelle et attentionnée, mais il reste une personne, une créature créée par Dieu, tout comme chacun d’entre nous. »
Les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal prennent une photo après avoir vu le pape François passer quelques instants plus tôt lors des Journées mondiales de la jeunesse. Au dernier rang se trouvent sœur Christa Gesztesi, sœur Sue Kidd et sœur Sofia Barrientos Izaguirre ; au milieu, sœur Sophie Christine Mbougoum ; à l’avant, sœur Libby Osgood, sœur Motoko Takahashi, et sœur Idalia Nieto. (Avec I’autorisation de Libby Osgood)
Cependant, alors qu’il passait en voiture, je dois admettre que je me suis sentie inspirée. Chaque cellule de mon corps vibrait, vivante et pourtant profondément paisible. L’excitation des gens qui m’entouraient m’a clairement impressionnée, mais la présence sacrée d’« El Papa », le nom scandé dans les rues et parmi les foules portugaises, a également fait son effet.
Après la fin de la foire aux vocations, la veillée de prière et la messe de clôture se sont tenues pendant la fin de semaine. Parmi les plus de 1,5 million de pèlerins, nombreux sont ceux qui ont dormi dans le champ rocheux pendant la nuit et qui, pour se préparer, ont fait la queue pour obtenir un sac de nourriture au cours des 24 heures ayant précédé le début de la marche vers le site. Je m’attendais à une foule nombreuse, mais je n’avais pas prévu de marcher sur un viaduc pendant 40 minutes pour atteindre l’endroit qui nous avait été assigné, épaule contre épaule avec des milliers d’autres personnes, nous frôlant de tous les côtés pendant toute la durée du trajet. À un moment donné, j’ai failli être renversée par un bus qui ne roulait qu’à deux kilomètres heure et qui transportait des membres du clergé à l’avant. Je comprends maintenant comment les gens peuvent être piétinés dans une cohue.
Et pourtant, au milieu des foules les plus épaisses, en attendant parfois pendant une heure que deux ou trois trains se remplissent jusqu’à ce que ce soit votre tour, il y avait de l’énergie et de la joie dans tout ce monde. Personne n’a poussé ni bousculé qui que ce soit de manière agressive. Personne ne s’est montré impoli ni ne s’est plaint. Au contraire, les jeunes ont chanté, même dans la chaleur et l’humidité, et tout le monde a été poli et gentil. Les habitants ont commenté en demandant : « Qui étaient ces jeunes partout dans la ville, si polis? » Leur témoignage a attiré l’attention des habitants.
J’étais fière d’être catholique et fière d’être associée à de jeunes adultes qui faisaient preuve de plus de patience que je ne me sentais capable d’en avoir. Debout sous un soleil de plomb, en sueur, dans une file d’attente de deux heures pour obtenir de la nourriture, seulement pour s’entendre dire que le camion en question était vide et qu’il fallait trouver une autre file.
Personne autour de moi ne s’est plaint. Il n’y avait pas de grognement ni d’impatience, juste de l’enthousiasme. Comme le Grinch, mon cœur autrefois flétri se mit à grandir encore et encore. Mon corps fatigué, impatient et surchauffé a été encouragé à faire mieux — à être meilleur — par l’esprit animé qui m’entourait.
La vue des sœurs sur l’écran lors de la veillée, à travers les poubelles, assistant à l’arrivée du pape François (avec l’autorisation de Libby Osgood)
Une fois installées dans la place C12 qui nous a été attribuée, à plus d’un kilomètre de l’autel, nous avons regardé à travers une rangée de poubelles vers un écran géant qui diffusait l’action. Malgré la distance et la vue hideuse des poubelles, l’atmosphère autour de nous était contagieuse, chargée d’énergie et d’excitation. L’expérience de la veillée n’a pas été décevante, car la grande foule s’est transformée en un grand corps du Christ. Il y a eu des murmures enthousiastes avant l’arrivée du pape François, des acclamations lorsqu’il est apparu et un silence total pendant qu’il parlait. Pendant l’exposition du Saint Sacrement, le silence était tel que les quelques conversations rebelles étaient audibles. Inexplicablement, des millions de personnes se sont tues dans une adoration partagée.
À la fin de la veillée, plutôt que de dormir sur le sol dur et rocailleux, nous, les sept CND, sommes retournées à notre hôtel, à l’image de notre âge, celui de femmes ayant dépassé la trentaine. Nous avons décidé de vivre la messe du dimanche en ligne, tout en restant ensemble à l’hôtel. Plus tard dans la soirée du dimanche, nous nous sommes réunies pour partager ce que cette expérience signifiait pour chacune d’entre nous et comment nous allions la transmettre à nos ministères et à notre congrégation. Traduisant entre nous l’espagnol, le français et l’anglais, nous avons parlé de la signification de la semaine. Nous étions émerveillées par les jeunes, reconnaissantes d’être ensemble, stupéfaites d’avoir vu le pape, et vivifiées par son message d’être lumière, d’écouter et de montrer de la gratitude.
Une expérience telle que les Journées mondiales de la jeunesse, bien qu’absente des médias laïques, démontre que notre Église est vivante. Elle ne ressemble plus à ce qu’elle était dans le passé, mais on devrait cesser la complainte selon laquelle l’Église est en train de mourir.
De retour chez moi, les chants de la foule résonnent encore en moi. « Todos, Todos, » a chanté toute la foule, faisant écho aux mots inclusifs selon lesquels tout le monde est le bienvenu dans l’Église. J’ai fait l’expérience d’une Église très vivante, vibrante et enthousiaste. Nous pouvons utiliser ce témoignage d’espoir et d’énergie pour réimaginer ce que notre Église pourrait être et ce que nous sommes en tant que catholiques.
Le pape François a insisté sur le fait que tout le monde est le bienvenu dans l’Église. Nous avons la possibilité d’être lumière pour ceux qui nous entourent, et le pape François a expliqué que pour faire briller ou rayonner la lumière autour de nous, nous devons apprendre à aimer comme Jésus aime. Nous devons entendre les souffrances du monde, accueillir l’étranger et laisser tomber le désespoir afin d’être libérés pour briller ensemble et être le peuple que nous sommes appelés à être.
Dans la perspective de Séoul en 2027, mon petit cœur introverti est étonnamment ouvert à l’idée de retourner dans la foule, juste pour se retrouver au milieu de l’excitation, du chaos, de l’inconfort et de la joie qui sont si contagieusement partagés lors de ce grand rassemblement de notre Église mondiale.