Groupe Solidarité Justice 29 février 2024
Avons-nous perdu le Nord?
Depuis notre enfance, nous connaissons les points cardinaux. En sémaphore, les bras étendus on nous apprenait que le soleil se lève à l’est: main droite. Le soleil se couche à l’ouest: main gauche. Et devant: le Nord et derrière: le sud. Voilà nous l’avons dans la tête!
On nous a appris aussi que notre pays était au nord de l’Amérique donc droit devant. L’avons-nous bien dans la peau? De jour en année, nous avons découvert la richesse immense de ce pays droit devant. Le bouclier canadien renferme des métaux variés et abondants. Nos mines sont enviées par beaucoup de pays dans le monde. Et que dire de nos forêts et de nos étendues d’eau… Avec nos sources d’énergie diversifiées et la créativité de celles et de ceux qui nous ont précédés, nous avons bâti le pays que nous connaissons aujourd’hui. Même si «notre pays c’est l’hiver» la chaleur de notre accueil nous enrichit de l’apport de celles et de ceux qui veulent partager notre «maison commune».
La population augmente et se diversifie et les besoins d’adaptation à ces nouvelles situations appellent de nouvelles solutions. Nos ressources suffiront-elles à combler ces nouveaux besoins? Notre gouvernement est tiraillé par des tentations de privatisations de tous ordres avec la prétention que c’est en vue du bien commun. Or il est prouvé que le glissement vers le privé n’a jamais été profitable au public. La perte du contrôle de nos institutions n’a toujours profité qu’à une faible proportion de la communauté.
Une tendance qui s’accentue ces derniers temps, c’est de semer la panique au sujet de la pénurie appréhendée de l’électricité. On a essayé ce stratagème au sujet de l’eau, il y a quelques décennies. Il faut privatiser parce qu’on va en manquer. Or en renseignant intelligemment la population, la consommation de l’eau a baissé de façon significative. La saga des compteurs pour les ménages s’est vue déboutée. Pourquoi ce résultat ne pourrait-il pas inspirer nos gouvernements quand ils appréhendent une pénurie d’électricité? L’éducation rend les personnes responsables et, par conséquent, la société devient une vraie démocratie.
Dans notre pays du Nord, il y a aussi le Nord du Nord. Certains politiciens nous ont présenté des plans d’énergie renouvelable avec une perspective de privation: L’Éolienne, le Nucléaire sans contrôle de l’État! Place aux promoteurs! Allons-nous vendre notre pays?
Direction NORD: regardons droit devant et debout, aidons nos élu.es à construire une société informée et démocratique.
Allons-nous perdre le Nord?
Denise Brunelle, CND
Coup d’œil sur l’éxécutif
À leur réunion du 16 janvier dernier, les membres du comité exécutif ont échangé à partir du texte de Jean Désy «Réapprendre à naviguer en symbiose avec les forces de la nature». Nous avons discuté de la place de l’humain en sa relation avec la nature.
Et nous nous sommes longuement attardées sur la préparation de l’assemblée générale du samedi 6 avril. Nous avons notamment retenu la problématique de la démocratie pour notre traditionnel temps de formation.
Regard sur un enjeu majeur: l’énergie
Où on s’en va avec l’énergie au Québec?
Surconsommation
Le Québec serait un surconsommateur d’énergie qui refuse de se sevrer (Le Devoir, 7 février 2024). Selon le directeur du Devoir, Brian Myles, pour l’heure, nous roulons à tombeau ouvert vers l’échec, en état «d’ébriété énergétique». Par habitant, en consommation d’énergie, le Québec se situe, pas loin derrière les États-Unis, à un niveau qui représente près de quatre fois la moyenne mondiale.
C’est le transport qui est le plus énergivore. Or nos modes de transport sont centrés sur l’auto solo. Pour une bonne part de la population, le véhicule automobile n’est pas un simple moyen de transport, mais un style de vie et une image de soi-même. Et le transport dépend encore à 97% des produits pétroliers: on est donc fort loin de la carboneutralité.
Socialement et politiquement, la baisse de la demande énergétique dans le secteur des transports devrait être une priorité. Les recettes pour y parvenir sont bien connues: transport actif (marche, vélo), transport en commun, covoiturage et autopartage (par exemple, Communauto).
Pour atteindre pour une mobilité durable, il faudrait sortir de l’ambivalence selon laquelle bien des gens, notamment les travailleuses et les travailleurs utilisent leur automobile faute d’efficacité du transport en commun et le celui-ci tarde à améliorer son offre de service parce qu’il est trop peu utilisé.
L’avenir de l’énergie au Québec
Hydro-Québec se prépare à une hausse marquée de la demande québécoise en électricité de près de 20% d’ici 2035 et ce, même en tenant compte des économies d’énergie prévues. Quelles solutions la société d’état envisage-t-elle pour répondre à besoins anticipés? Faut-il aller jusqu’à construire de nouveaux barrages hydroélectriques? Lors de la dernière campagne électorale, telle était l’option envisagée par François Legault. Un projet de harnachement de la rivière Petit Mécatina, sur la Basse Côte-Nord, fait discrètement son chemin.
Cependant, l’ensemble des intervenants scientifiques et écologiques ne pensent pas que les barrages soient vraiment une option viable à court terme étant donné leurs coûts et le manque d’acceptabilité sociale. Selon Brian Myles du Devoir, Les appels des ténors du gouvernement Legault et d’Hydro-Québec pour relancer la construction de grands ouvrages hydroélectriques, afin de répondre à la demande future, cachent un mal nommé gaspillage. L’option raisonnable serait plutôt du côté de l’économie d’énergie électrique. Et de produire pour notre propre consommation plutôt que pour l’exportation commerciale de notre ressource.
Le ministre de l’Énergie, monsieur Pierre Fitzgibbon, pour sa part, préfère regarder toutes les offres disponibles, soit vers les autres énergies renouvelables – l’éolien, le solaire et la biomasse notamment, voire le nucléaire.
Qu’en est-il de l’éolien?
On retrouverait, sur le territoire québécois, le deuxième plus important gisement éolien au monde, dixit l’encyclopédie Wikipedia. Ce secteur évolue lentement mais sûrement au Québec. Une quarantaine de parcs éoliens au Québec sont actuellement en service particulièrement en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine. Ceux-ci appartenant presque totalement à des entreprises privées. Les promoteurs de cette filiale visent des paysages de grande valeur du Québec habité et plusieurs milieux agricoles.
Une option plus collective est cependant promue. Louis-Gilles Francoeur, écologiste réputé, ancien vice- président du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (le BAPE), propose de développer une production hybride des réservoirs hydro-québécois qui intégrerait dans le même territoire les énergies éolienne et hydraulique. Le scientifique considère que les grandes surfaces d’eau de ces réservoirs sont d’exceptionnels puits d’énergie éolienne en raison de la puissance et de la constance exceptionnelle des vents qui s’y développent.
Ainsi le Québec pourrait probablement se passer pour au moins une génération d’aménager de nouveaux cours d’eau et, «en optimisant l’utilisation hybride de ses réservoirs, Hydro-Québec, le gouvernement et la population toucheraient la rente de cette production de nos ressources collectives au lieu de la laisser filer dans les poches de riches promoteurs privés». (Louis-Gilles Francoeur, Le Devoir, 26 février 2024)
Et l’énergie solaire
L’énergie solaire photovoltaïque, c’est la lumière du soleil récupérée et transformée directement en électricité au moyen de panneaux solaires.
Il est reconnu qu’en matière d’heures d’ensoleillement, le potentiel solaire dans le sud du Québec est intéressant par rapport à celui d’autres régions du monde. D’où une tendance à produire et mettre en marché des panneaux voltaïques.
Cette option s’avère toutefois une solution individuelle. Des particuliers, des institutions et des entreprises procédant à l’achat et l’installation de panneaux solaires.
Quant au nucléaire
Hydro-Québec étudie la possibilité de réactiver la centrale nucléaire Gentilly-2 pour faire face à la pénurie anticipée d’électricité. La fermeture avait été décrétée dans la foulée de l’accident nucléaire survenu l’année précédente à la centrale de Fukushima, au Japon. L’énergie propre inclurait le nucléaire.
Par rapport à cette source d’énergie, il y a du pour et du contre. Il est reconnu que, sur l’ensemble de leur cycle de vie, les centrales nucléaires libèrent moins de gaz à effet de serre que les centrales fossiles. Cependant, L’entreposage à long terme des déchets radioactifs est hautement problématique.
Un retour du nucléaire au Québec serait cher et inutile compte tenu des coûts très élevés pour refaire fonctionner Gentilly-2 par comparaison avec l’hydroélectricité. Le nucléaire n’apparaît de toute évidence pas une option intéressante pour le Québec.
Pour sa part, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, insiste sur le fait que fermer la porte au nucléaire serait «irresponsable». Mais il faut que tout projet soit «socialement acceptable et économiquement rentable».
Northvolt
Difficile de parler d’énergie sans évoquer le projet de l’usine de batteries électriques Northvolt soutenu et généreusement financé au fédéral et au provincial. Le gouvernement Legault a d’ailleurs modifié le régime d’autorisations environnementales pour laisser le chemin libre à l’entreprise suédoise.
La préparation des espaces qu’occupera l’industrie implique l’abattage de 8000 arbres, la destruction de130 000 mètres carrés milieux humides qui abritent une riche biodiversité, la perturbation d’habitats d’espèces menacées. Au moins 142 espèces d’oiseaux fréquentent le site. Et que dire de l’impact sur l’importante rivière Richelieu où seront déversés des quantités de contaminants? Il y a, de fait, des enjeux de sécurité et de santé publique, notamment en raison des prises d’eau potable.
La population de la région et les environnementalistes réclament à grand cri une évaluation environnementale indépendante soit par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. Le gouvernement commettrait une erreur stratégique en faisant des passe-droits pour permettre à Northvolt d’échapper au processus du BAPE.
La question qui se pose par rapport à ce projet, c’est sa valeur écologique à long terme. Les experts voient les batteries comme une composante clé des systèmes énergétiques XXIe siècle. Si, d’une part, cette usine de batteries était nécessaire à la transition énergétique, pouvons-nous accepter des dommages environnementaux à court terme si on obtient un gain plus grand à long terme? Selon le chroniqueur et analyse politique Patrick Déry, ça se discuterait si le gouvernement était prêt à avoir une conversation sincère et transparente.
Proposition
Dans un article percutant paru dans Le Devoir du 7 février, d’éminents défenseurs de la planète, Henri Jacob, Richard Desjardins, Carole Dupuis et quelques autres moins connus, lançaient un appel vibrant: Vivement un référendum sur notre énergie! Car il faut au plus vite retirer cette carte blanche, donnée aux politiciens, qui les dédouane de toute responsabilité, financière ou autre, sous prétexte qu’ils agissent dans l’«urgence» climatique et prétendument pour le plus grand bien de la planète!
Selon les mêmes auteurs, ce serait le temps de se donner une politique couplée d’une planification intégrée des ressources énergétiques, réalistes, prudentes et découlant d’un vaste débat public. Une occasion aussi de proposer un projet de société novateur, qui respecte le pacte social et économique que s’est donné le Québec, qui aspire (encore!) à une distribution plus large et équitable de la richesse par la mise en commun des ressources.
Un mouvement
Depuis 2015, une trentaine de groupes citoyens et d’organisations environnementales se sont regroupés afin de se concerter dans le but combattre plus efficacement les projets d’exploration, d’exploitation et de transport des énergies fossiles au Québec. Ainsi est né le Front commun pour la transition énergétique.
Ce regroupement se donne comme mission de contribuer à l’élaboration collective et à la mise en œuvre d’une transition énergétique structurante et porteuse de justice sociale et ainsi jouer un rôle incontournable dans l’urgent virage vers une société neutre en carbone.
La feuille de route du Front commun pour la transition énergétique comporte le projet Québec ZéN, soit zéro émission nette. La tâche des chantiers ZéN consiste à nous approprier nos milieux de vie et les moyens de protéger les écosystèmes ainsi que le tissu social dont nous dépendons.
Et si nous étions une communauté ZéN!
Céline Beaulieu, CND
Fondation Rivières
Nos deux déléguées, Denise Brunelle et Sophie Mbougoum comptent participer à l’Assemblée générale annuelle de la Fondation Rivières le 28 mars prochain.