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Inégalités à intensité variable

La pandémie est révélatrice de nos inégalités sociales !

Vraiment ? Nous croyons-nous ? De quoi et de qui, avec qui et à qui en parlons-nous au juste ? À grand effort de répétition, ces assertions sont devenues des évidences évidées de sens.

Quand nous voulons identifier les inégalités sociales dont nous sommes victimes nous ne pensons guère à la couleur de notre peau, à la faim qui nous triture les entrailles la nuit, à l'exiguïté ou au froid de nos logements, à l'inquiétude de nourrir et d'éduquer notre famille, aux dépenses qui dépassent les recettes, aux bruit des bottes et des obus, à la maladie que nous ne pourrons pas soigner.

Notre quotidienneté paisible, longtemps anesthésiée par petites doses d'un discours sentimental, uniformisé et aseptisé, nous garde à l'abri de la confrontation. Au nom de la paix et du respect, nous sacrifions des prises de parole privée ou publique face aux graves inégalités dont souffrent les personnes écrasées. «Nous rapprocher des personnes au bas de l'échelle sociale» nous fait peur… Alors de quoi parlons-nous et avec qui? De quelles inégalités est-il question?

Les inégalités sont à intensité variable; tout dépend de la direction de notre regard et du centre de nos préoccupations. L'intensité s'accroît souvent quand les inégalités nous touchent de plus près. L'accès à l'éducation est un sujet particulièrement brûlant d'actualité en ce temps de pandémie. La jeunesse et les orientations nouvelles qu'essaie de prendre notre système d'éducation devraient profiter de nos erreurs et de nos succès en ce domaine. Parlons-nous-en, osons des pistes nouvelles exemptes d'exclusion et d'inégalités sociales. Quels projets incluant les enfants, leurs parents et le quartier pourrions-nous imaginer pour un avenir ouvert et solidaire ? Imaginons…

Nous ne parlons pas à travers notre chapeau quand nous parlons d'éducation!

Nous avons une expertise à partager et, dans ce domaine, nous n'afficherons pas de l'ultracrépidarianisme! À vos dictionnaires, papier ou internet, tout dépend des égalités sociales, c'est du sérieux !

 (L'ultracrépidarianisme est l’art de parler de ce qu’on ne connaît pas. )


Inégalités en éducation

Avant la pandémie

L’état du système scolaire québécois affichait des problèmes importants :

  • La vétusté des écoles et l’insuffisance des espaces

Selon Dominique Scali, dans L’Actualité du 27 juin 2019, plus de la moitié (55 %) des bâtiments au Québec dédiés à l’enseignement au primaire, au secondaire, aux adultes ou à la formation professionnelle sont en mauvais état au point d’obtenir des cotes de D et E. La «spirale infernale» de dégradation serait toujours en marche. Et ce, sans compter le criant besoin d’ajout d’espaces non comblé.

  • La pénurie d’enseignant-e-s

Chaque début d’année scolaire accuse un manque de personnel enseignant. De nombreuses classes se retrouvent sans titulaire. Les banques de suppléant-e-s sont généralement à sec. Les Centres de services scolaires doivent faire appel soit à des pédagogues en formation ou à des enseignant-e-s retraités. Oui, il y a croissance démographique. Cependant, la profession enseignante est moins attractive et de nombreux jeunes profs démissionnent face aux difficultés de leur tâche.

  • Une approche discutable

Au-delà de ces lacunes, l’approche dominante est largement discutable. L’école néolibérale est largement vue comme un marché où règne la concurrence entre les écoles privées et publiques, voire les écoles publiques à vocations particulières. On parle d’école à trois vitesses qui crée une forme de ségrégation où les élèves des familles plus favorisées et/ou plus doués sont favorisés. Les finalités économiques des lieux de formation sont souvent clairement affirmées. Ce qui crée un climat de compétition qui fait des gagnants et des perdants.

On parle d’une école managériale où la signification de termes comme connaissance et culture est profondément altérée par un discours ambiant qui sanctionne une culture scolaire limitée à l’utilité économique. Peu de place pour l’éveil, la découverte, le questionnement, par exemple.

Pendant la pandémie

On peut facilement concevoir que la crise sanitaire a amplifié les inégalités sociales et scolaires déjà existantes, en plus de créer de «nouveaux élèves vulnérables».

  • Du point de vue de l’enseignement en ligne
    • Matériellement, on imagine les disparités dans l’accès au matériel informatique, l’inégal accès à Internet, l’instabilité des connexions, faibles compétences numériques des lieux de résidence qui n’offrent pas un cadre propice aux apprentissages.
    • Humainement, les parents ont manifesté une inégale capacité des parents à aider leurs enfants pour des raisons de disponibilité liées au travail, de compétence, de culture; la diversité culturelle intervient ici. Les familles sont débordées par les tâches ménagères, le télétravail et les devoirs de leurs enfants; des familles se plaignaient de la difficulté à concilier les nouvelles routines de télétravail avec la faible autonomie des enfants dans le modèle de l’enseignement à distance.
    • Pour leur part, les enfants et les adolescent-e-s sont privés d’un environnement stimulant et enrichissant, de possibilités d’apprentissage et d’interactions sociales.
  • Du point de vue du système scolaire lui-même, on a pu observer un inégal engagement des profs. Des parents des écoles publiques ont déploré le sentiment d’abandon dû au manque de contact des enfants avec leurs enseignants. Chaque école étant libre d’organiser les activités pédagogiques et les contacts avec les élèves, le suivi s’en est trouvé encore une fois inégal. Il n’y a pas eu non plus d'orthopédagogie ou de services de professionnels même pour les élèves en difficulté qui ont un plan d'intervention pourtant planifié.
  • Et que dire de l’exposition aux écrans et de la cyberdépendance. Les enfants et les adolescent-e-s sont déjà accros aux écrans. L’enseignement à distance ne peut qu’accentuer cette tendance alors que d’autres activités pourraient leur être proposées : lire, écrire, dessiner, apprendre de façon ludique.
  • Apprivoiser le silence avec soi-même.

Et les conditions d’enseignement en présence

En bref, mentionnons

  • les exigences de la manipulation du matériel et de sa désinfection
  • les limites des déplacements
  • la distance entre profs et élèves lors des interventions pédagogiques particulièrement auprès des élèves en difficulté
  • les défis de communication non verbale en raison du port du masque et de ses effets affectifs
  • les interactions limitées entre les élèves
  • le stress généré par ce contexte
  • les limites à la nécessaire socialisation en contexte d’éducation

La relation prof/élève et la dynamique pédagogique et l’important compagnonnage entre les élèves ne peuvent qu’être lourdement affectés par de telles conditions qu’on souhaite durer le moins longtemps possible.

Après la pandémie

Craintes

Parmi les effets préoccupants de la pandémie pour l’avenir en éducation, il importe de mentionner, le temps d’apprentissage perdu qui pourrait avoir un impact sur toute une génération, le choc subi par le système scolaire et des défis d’adaptation, l’incidence sur la motivation et la persévérance scolaire, l’effet des écrans, etc. Regardons de plus près quelques-unes de ces conséquences.

  • L’effet des écrans

Un forum d’experts tenu à Québec récemment a conclu que les écrans affectent la vue, le sommeil, le poids et les habiletés langagières. Ils augmentent en outre le risque de développer une dépendance, de l’anxiété et une mauvaise estime de soi. Cependant, les données en santé sur le temps-écran ne seraient pas reconnues dans le milieu de l’éducation. Par ailleurs, des études démontrent que rien ne bat le livre papier en termes de bienfaits.

  • Impact sur la motivation

Les jeunes vivent dans l’incertitude concernant le moment où l’école reviendra aux conditions normales. Pour plusieurs, la santé mentale fragilisée, le sentiment d’efficacité personnelle et la perception de leur compétence à réussir ont été affectés par l’instabilité des situations d’apprentissage. Des interruptions de services et des pénuries de ressources ont provoqué une rupture au moins partielle de l’intérêt pour les apprentissages. Des baisses dans les résultats scolaires (au secondaire, le taux d’échec est passé de 10% à 30%, cette année), dans la motivation et l’intérêt des élèves ont été mesurés.

  • Et sur la persévérance scolaire

Plusieurs études démontrent un lien fort entre la persévérance scolaire et la motivation. Il y aurait davantage d’absentéisme et de décrochage surtout chez les élèves à risque. Dans certains milieux, le fait que les jeunes ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin fait craindre qu’ils ne reprennent jamais le chemin de l’école. Selon les estimations de l’UNESCO, 23,8 millions d’enfants et de jeunes (du pré-primaire et du secondaire) pourraient l’année prochaine abandonner l’école. Le risque de décrochage est manifeste.

Espérances

  • Des raisons d’espérer

Chez les jeunes, plusieurs gagnent de l’autonomie, se découvrent de nouvelles habiletés, développent des initiatives personnelles créatives, s’apprêtent à vivre un regain de socialisation.

En pédagogie, les changements apportés sous pression aux modes d’enseignement seront probablement pérennes et s’avèrent un plus dans la mesure où personne n’est laissé de côté. Les efforts d’adaptation déployés en peu de temps démontrent que des changements positifs sont possibles.

Il est aussi permis de croire en l’engagement sincère, motivé, créatif des acteurs de l’éducation, au premier chef les membres du personnel enseignant qui a toutefois besoin d’être fortement soutenu.

  • Des défis s’imposent

Une remise à niveau exigera des efforts considérables visant à prévenir le décrochage scolaire en particulier auprès des groupes plus vulnérables et à assurer le bien-être social et psychologique des élèves et du personnel.

Afin de favoriser l’équité et l’inclusion, des mesures propres à construire des systèmes éducatifs plus résilients et qui accueillent tous les élèves sans distinction doivent être prises. Ces efforts doivent analyser et prendre en compte les besoins des groupes marginalisés et garantir qu’ils

Un projet social

Selon le MEMO (Mouvement pour une école moderne et ouverte), le contexte fournit une occasion inouïe de se rassembler, de revoir ses pratiques et de se projeter dans l’avenir au-delà de la nouvelle normalité en milieu scolaire.

Selon le collectif Debout pour l’école, il faut réaffirmer les finalités historiques de l'instruction publique : instruire au sens de former l'esprit des jeunes, ce qui est nécessairement leur transmettre des connaissances, des idées et valeurs ancrées socio historiquement depuis des siècles, donc les armer de connaissances pour comprendre le monde et être capable d'esprit critique par rapport aux idéologies dominantes.

Aussi occuper l’espace public avec un discours sur l’éducation différent de celui sur la performance et l’excellence, remettre de l’avant les notions d’équité et de solidarité sociale, encore selon Debout pour l’école.

Et, selon l’ONU (texte cité plus haut) créer une dynamique positive qui pourrait mener à l’avenir que nous voulons: une éducation inclusive qui libère le potentiel des individus et favorise l’épanouissement collectif.

Finalement, il faut une forte cohésion sociale pour traverser cette période critique et réussir le projet éducatif selon nos valeurs d’équité et d’inclusion.

Quelques références

Inégalités en éducation pendant la première vague.

L'éducation en temps de COVID-19 et après.