Les promenades accordées par la règle
En 1723, Sœur Trottier de Saint-Joseph, supérieure Sœur Marie Barbier de l’Assomption, assistante, Sœur Lemoyne du Saint-Esprit, maîtresse des novices, et Sœur Gerbau de Saint-Gabriel, dépositaire, acquirent de Nicolas Lefebvre, un arpent de front sur douze arpents de profondeur à la Pointe-Saint-Charles; moyennant 752 ,ivres, 15 sous.
Ce fut cette même année que Monseigneur de Saint-Vallier permit d’avoir la messe à la Pointe-Saint-Charles; voici la copie de ce privilège :
« Nous voulons bien permettre aux Sœurs de la Congrégation de faire dire la messe quelquefois à la Pointe-Saint-Charles; pourvu qu’elles trouvent des ecclésiastiques qui leur veuillent faire cette charité, et que la chapelle soit dans l’état qu’on la puisse dire avec religion. »
« Donné à Ville-Marie le 11 mai 1723,
Jean, évêque de Québec»
Ce privilège fut hautement apprécié, et c’est à partir de cette époque que les promenades accordées par la règle devinrent vraiment intéressantes; ces promenades au nombre de quatre par année, se faisaient une par saison, celle de l’hiver, le jour de la conversion de saint Paul; celle du printemps, à la bénédiction des grains; celle de l’été, après la retraite de la Visitation; et celle de l’automne, à la Saint-Charles. D’avance, on s’informait si un de nos pères aurait la charité de donner la messe; ce qui ne faisait jamais défaut…. et la veille du jour fixé, dès deux heures de l’après-midi, les voitures des métairies que de la maison mère, étaient en marche pour conduire les promeneuses, quand la saison ne permettait pas d’aller à pied. Dans ce dernier cas, on partit en grande tenue, mais on n’était pas sitôt rendue au bout de la rue Saint-Paul, que se trouvant en pleine campagne, on commençait à s’émanciper, , et l’on allait jusqu’à cueillir et manger des cenelles, ainsi que l’a rapporté une ancienne, en passant près de la ferme dite Saint-Gabriel, appartenant à nos Pères. Chacune, en arrivant à la Pointe, se mettait chez elle et s’apprêtait à faire sa partie de la besogne; car les maîtresses du logis en avaient assez ce jour-là de faire les honneurs du lieu à la nombreuse compagnie. Les unes s’emparaient du four pour y faire cuire les dindes et les poules, pendant que d’autres préparaient la pâte pour les beignets, tartes et biscuits ; celles-ci étaient désignées pour servir les tables, celles-là pour les desservir; il fallait aussi laver la vaisselle, dresser et enlever les lits de camp…. en un mot il n’était pas facile à qui que ce fût de demeurer oisive. On se couchait le plus tard possible; car la nuit était ce que l’on trouvait le moins aimable de toute l’affaire…et, de bon matin, chacune était sur pied pour aller respirer l’air pur de la campagne, tout en contemplant les merveilles du Dieu de la nature. Dès que paraissait la voiture du prêtre, on se rendait silencieusement à la chapelle, pour se disposer à entendre la sainte messe, pendant laquelle on chantait quelques pieux cantiques, Le déjeuner se prenait religieusement et en famille: Pasteur sur une petite table au centre, Sœurs rangées chaque côté de la salle. Après avoir adressé un mot d’édification à la Communauté, le prêtre se retirait; et chacune était laissée libre de prendre ses ébats, dans la commune ou sur le bord de l’eau, jusqu’au dîner. Ce repas n’était pas aussi grave que celui du matin; on y avait grande récréation,. Après le dîner, la Mère Supérieure , accompagnée de toutes les Sœurs , se rendait aux bâtiments, où l’on récitait en commun un Pater et un Ave avec la prière composée par Mlle Le Ber: « Reine des Anges» de là on se rendait à la chapelle pour chanter le petit Salut à Saint-Charles, (antienne et oraison, sans exposition du saint Sacrement) qui était le signal du départ. On revenait à la Communauté, fatiguées de plaisir; et il fallait encore se récréer jusqu’à dix heures, ce qui s’appelait prendre le petit quart.
Extrait de : Histoire de la Congrégation de Notre -Dame de Montréal, première partie –XVII siècle, volume V, 1763- 1790, Montréal, 1941, pages 75 à 78.