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Lumière de la croix du Mont-Royal

« L’Église catholique à Montréal » nous a rappelé que la croix du Mont-Royal, un emblème de Montréal, fêtera son centenaire en 2024. Benoît-Marc Boyer écrit : « Sa tradition remonte à la fondation de Ville-Marie, à l’époque de la Nouvelle-France. Jeanne Mance, Paul de Chomedey, … et quelques autres personnes créent, en 1642, une cité de foi, de paix et d’entraide. Dès le premier hiver, alors qu’un embâcle menaçant est évité, des gens plantent une croix sur le Mont-Royal en signe d’action de grâce. C’était le 6 janvier 1643. »[1]

Marguerite Bourgeoys n’était pas encore arrivée à Montréal lorsque la première croix fut hissée sur le mont Royal : « Je ne suis arrivée à Montréal que treize années après », écrit-elle. Cependant, ses écrits contiennent une description vivante de l’événement dans le contexte du récit qu’elle fait de la remise en place de la croix peu après son arrivée. « La première année qu’on a été à Montréal, l’on fit une croix que Monsieur de Maisonneuve a portée sur la montagne; qui n’était pas une petite charge, par un chemin escarpé comme il était. Les autres portaient les pièces de bois pour le piédestal… Tout cela se faisait avec bien de la ferveur. » Un autel a été construit sur le site, raconte Marguerite, et c’est devenu un lieu où les premiers Montréalais pouvaient aller prier pour la réalisation du but pour lequel Ville-Marie avait été fondée, la transmission de la foi chrétienne aux Premières Nations de la Nouvelle-France. Dans son récit, on peut presque entendre les voix de Jeanne Mance et de Maisonneuve qui partagent leurs souvenirs avec elle autour du feu, un soir peu après son arrivée à Ville-Marie : Maisonneuve se souvient que la croix était lourde et le chemin de la montagne escarpé et rude; Jeanne Mance se souvient, peut-être avec un sourire, qu’elle a dû une fois aider un garçon à dire la messe car il n’en connaissait pas les mots. Une note de souvenir affectueux et une touche d’humour sous-tendent certainement ce passage.

« Tous ces gens-là n’ont point vu l’effet de leurs prières », écrit Marguerite, qui pense sans doute surtout à Maisonneuve et à Jeanne Mance. Les mots suivants expriment sa conviction que ces prières n’ont pas été vaines. Ils donnent aussi un indice sur l’emplacement de cette première croix : c’est le premier endroit où les Premières Nations sont venues se faire instruire dans la foi, « même les filles, par les Sœurs de la Congrégation ». (EMB, p. 37) Elle fait référence à la Mission de la Montagne dont les deux tours sud se dressent toujours sur la rue Sherbrooke Ouest, près de l’avenue Atwater.

Marguerite ne dit pas quand Maisonneuve lui a parlé pour la première fois de l’érection de la première croix : c’est peut-être même sur le bateau, lors de son voyage depuis la France. Elle nous raconte : « Et quand je fus arrivée, Monsieur de Maisonneuve détacha trente hommes pour s’acquitter de la promesse qu’il m’avait faite de me mener sur la montagne ». La déception les attend, car ils constatent que la croix a été enlevée par des Autochtones hostiles. Elle poursuit : « On a excité le monde à y en rebâtir une nouvelle. Je fus destinée pour cela. J’y menai Minime [Gilbert Barbier] avec quelques autres hommes et nous y fûmes trois jours de suite. La croix y fut plantée et il y avait des pieux pour la clore ». (EMB, p. 38)

Au cours de ces trois jours, Marguerite vit une expérience personnelle si importante pour elle qu’elle est mentionnée dans des textes clés à quatre autres endroits de ses écrits, un moment qu’elle comprend comme une confirmation de sa vocation à Montréal. Ce fut, comme le « toucher » de grâce lors de la procession du Rosaire en 1640, l’une des grandes expériences mystiques de sa vie. Parmi les débris laissés après l’enlèvement de la première croix sur le mont Royal, elle trouve un artefact qui avait dû être placé là au moment de son érection et qui avait survécu, d’une manière ou d’une autre, aux intempéries et aux déprédations de la décennie écoulée depuis. Il s’agit de « l’image que la sœur de Monsieur de Maisonneuve, religieuse de la Congrégation de Troyes, [lui avait donnée] avant son départ, elle se trouvait en pauvre état. Il y avait, écrit en lettres d’or, à l’entour de l’image : “Sainte mère de Dieu, pure Vierge au cœur loyal, gardez-nous une place en votre Montréal”. Et, cette même année, j’avais eu une touche par la vue d’une image qui est au-dessus du portail de Notre-Dame, à Troyes, à la procession du Rosaire. » À ce moment-là, Marguerite reconnaît que son appel de 1640 est un appel qui l’amènera à Montréal où, déjà, dès le début, une place lui est réservée, véritable moment de lumière de la croix du Mont-Royal… Pour Marguerite, c’est un moment vraiment illuminé par la croix du Mont-Royal.

[1]https://www.diocesemontreal.org/fr/actualites/nouvelles/100e-croix-mont-royal