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Marie Barbier, 2e Supérieure de la Congrégation (1693-1698) – mission à l’Île d’Orléans

Extrait de : Histoire de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal, première partie, XVIIe siècle ; volume II, 1693-1700, Montréal, 1941.

Son admission comme postulante eut lieu l’année 1678; elle était âgée de quinze ans. C’est la première fille de Montréal qui se soit jointe à notre Congrégation, mais non la première Canadienne, les deux demoiselles Gariépy, de Québec, l’ayant précédée.

(…)

Cinq ans après la profession de Sœur Barbier, M. de Saint-Vallier, grand-vicaire et successeur présumé de Mgr de Laval, vint au Canada et demanda des Sœurs de la Congrégation pour la paroisse Sainte-Famille, dans l’île d’Orléans. (…) Sur ces entrefaites, on fit partir Sœur Barbier pour la mission de la Montagne. Là, dit-elle, « on m’avait préparé une cabane entourée d’images et d’enfants Jésus; tout était d’une propreté extraordinaire et rien n’y manquait. Je regardai de tous côtés, le cœur pénétré de douleur, sans rien dire, sinon à Dieu, à qui je fis cette prière: Mon Dieu, ce n’est pas le lieu que vous m’avez destiné; j’y suis trop bien. Voulez-vous me perdre? Plutôt mourir que d’être si à mon aise. Cependant la Communauté changea de sentiment à l’égard de la Sœur désignée pour la Sainte-Famille, voulant y envoyer tantôt une Sœur, et tantôt une autre. Le prêtre qui nous conduisait, M. Bailly, et qui m’avait exclue lui-même du nombre de celles qui pourraient être envoyées à l’île d’Orléans, fut contraint, afin de laisser plus de liberté aux Sœurs, d’en venir aux suffrages secrets. Toutes me donnèrent leur voix, chacune croyant qu’il n’y aurait qu’elle qui me donnerait la sienne. On m’envoya donc quérir à la montagne, car nous devions partir deux jours après. Avant de m’embarquer, je voulus faire une confession pour me préparer à la mort, sans penser du tout à ce qui nous manquait pour le temporel. C’était à la Saint-Martin, et il faisait froid comme en hiver; nous pensâmes geler pendant le voyage. À Québec, on se moqua de nous, tout notre avoir étant un petit paquet que nous portions fort à l’aise; on nous demanda où étaient nos lits et notre équipage… quelques-uns disaient même que nous mourions de faim chez nous, et qu’on nous envoyait chercher fortune ailleurs. Nous arrivâmes à l’île d’Orléans presque mortes de froid; et nous souffrîmes beaucoup pendant tout ce premier hiver. Mais les peines du corps n’étaient rien au prix de celles de l’âme. Pourvu que Dieu en tire sa gloire, et que mon orgueil soit écrasé, je suis contente. »

La maison des Sœurs n’étant pas encore préparée, Sœur Barbier logeait avec sa compagne chez une veuve Gaulin, dont la demeure était assez éloignée de l’église. Un jour que ces deux ferventes missionnaires revenaient de la sainte messe, par un violent et cruel vent du nord, accompagné d’une grande poudrerie, qui les empêchait de voir où elles allaient, Sœur Barbier tomba dans un fossé plein de neige. « Ma compagne, dit-elle était loin devant moi. Je ne pouvais me retirer de ce fossé, n’ayant plus de force, et la neige me couvrant de plus en plus. Alors, je priai le saint Enfant-Jésus de m’aider, s’il voulait prolonger ma vie pour sa gloire, et me donner le temps de faire pénitence. J’étais tout enfoncée dans la neige, et il ne paraissait plus que l’extrémité de ma coiffe. Sa couleur noire fit croire à quelques personnes du voisinage, que c’était une de leurs bêtes qui était tombée dans le fossé; ils y accoururent promptement, et m’ayant retirée de là avec peine, ils me laissèrent au bord du fossé, d’où j’eus bien de la difficulté à me rendre à la maison. Cela, joint au grand froid et à toutes les incommodités que je ressentis durant l’hiver dans cette demeure, me fit contracter des infirmités assez considérables. » Le feu ayant pris à la maison où logeaient nos Sœurs, et chacune s’empressant de sauver les effets, ma Sœur Barbier fut la seule qui ne remua point; tenant dans sa main une statue de cire du saint Enfant-Jésus, elle Le conjurait d’éteindre le feu, avec une simplicité toute enfantine. Que ne venez-vous nous aider lui dirent sa compagne et l’hôtesse. Que ne mettez-vous votre confiance au saint Enfant? répondit-elle. (…)

Sœur Barbier ne passa qu’un hiver à l’île d’Orléans. En 1686, elle fut appelée à Québec pour y fonder la maison de Providence.