Son nom est sœur Marie-Norma Gallant. Mais dans son patelin de la région d’Évangéline sur l’Île-du-Prince-Édouard, c’est tout simplement Norma. Une Norma qui s’avère une bâtisseuse en matière de prévention de la criminalité et de l’avancement des droits des francophones, tout en demeurant très près des membres de la communauté
Marie-Norma Gallant occupe depuis 1999 le poste de coordonnatrice du Groupe consultatif communautaire Évangéline (GCCÉ) pour la prévention de la criminalité, dont la portée dépasse de loin cette région. Situé à Wellington, ce groupe a été formé à la fin des années 1990 sous l’impulsion d’un agent de la GRC du coin, qui désirait une approche communautaire en matière de prévention de la criminalité. Le comité de gestion est formé de représentants de deux municipalités, en plus de divers organismes et organisations, dont la GRC. Sœur Gallant a été auparavant coordonnatrice des programmes d’enseignement religieux dans les provinces de l’Atlantique pendant 17 ans, en plus d’enseigner la musique pendant 10 ans. Elle s’est aussi impliquée dans nombre d’organismes provinciaux, notamment en matière d’aide aux victimes et de la prévention de la violence familiale.Norma Gallant dit ne craindre rien, ni du genre humain, ni des aventures de la vie. Mordue de ski alpin, elle n’hésite pas à affronter les pentes abruptes du mont Sainte-Anne et de Val-d’Irène, au Québec, en plus de jouer au hockey et au baseball. Une sœur pas comme les autres, de reconnaître Norma, dont les efforts lui ont récemment valu une reconnaissance provinciale du Conseil consultatif sur la condition féminine de l’Île-du-Prince-Édouard.
1. Comment cette aventure a-t-elle commencé?
« Les policiers sont venus me chercher, car ils voulaient quelqu’un qui a mon expérience dans l’enseignement et avec la communauté francophone. Ils voulaient une personne qui avait de la créativité. Au début, on a fait un forum communautaire sur la prévention de la sécurité. Ça devait durer six mois, mais ça a bien marché, et nous avons fait d’autres activités. Avant, dans le domaine de la criminalité, il n’y avait pas d’endroit où on pouvait avoir des services en français. Maintenant, nous avons de plus en plus de services. Et il y a de plus en plus de gens qui en demandent. Nous avons fait beaucoup d’éducation. Nous disions que c’est ensemble que nous aurons une communauté sécuritaire. On arrive à faire en sorte d’outiller la population. On a mis des mots sur des crimes qu’on ne pouvait pas nommer avant. Ils ont vu qu’on ne peut pas laisser aller les actes criminels sans rien faire. Dans les petites communautés, c’est parfois difficile de rapporter les actes criminels. Nous avons fait en sorte de responsabiliser la population face au crime, comme quoi la solution ne vient pas seulement de la police, mais que la prévention de la criminalité, c’est l’affaire de la communauté. Ils savent maintenant les rapporter au bon endroit. J’ai été un peu l’entre-deux, qui fait que les gens vont rapporter les gestes. Et maintenant, nous sommes le seul groupe du genre qui a fonctionné sans arrêt depuis 1999 dans toute la province. »
2. Comment expliquez-vous ce succès?
« Le secret, c’est que nous sommes allés chez les gens pour leur demander quelles sont leurs forces et leurs faiblesses pour trouver des solutions, au lieu que ça vienne d’en haut. J’ai une formation universitaire, mais nous leur parlons dans leur langue à eux, pour mieux atteindre les gens. Et ça marche. C’est une réussite. Ils se sont reconnus là-dedans. Ici, je suis l’amie de tout le monde. Je fais partie de la «gang». Le midi, je dîne au Café avec les gars. Je fais du ski alpin, de la raquette, je joue de la balle, et au hockey. Il n’y a pas beaucoup de sœurs qui font ça! »
3. Et quelles sont les actions du Groupe actuellement?
« Nous faisons aussi de la réinsertion sociale pour les ex-détenus. On leur trouve des personnes qui vont les faire cheminer plus loin. Nous accompagnons aussi des personnes qui ont besoin d’aide pour aller en cour. On est un peu comme un centre de références. J’ai des contacts, ici et au Nouveau-Brunswick. Je reçois beaucoup d’appels de personnes qui ont besoin d’aide. Ils viennent ici, et je les écoute. Nous publions un bulletin d’information sur la prévention de la criminalité, qui propose des trucs pour reconnaître les diverses formes de la criminalité, et comment s’en protéger. Il est publié à 2500 exemplaires et il est distribué dans les six régions francophones de l’Île. Je dépasse ma région dans plusieurs domaines. Et je vais aussi à l’extérieur de la province. J’ai travaillé avec la CIPA, au Nouveau-Brunswick, sur le projet de site Internet Parcelles, pour les femmes violentées. Nous avons développé une expertise dont d’autres régions veulent maintenant bénéficier. Il y a aussi le projet Bel Âge, sur la santé des aînés. La prévention des abus envers les aînés est un autre thème sur lequel nous travaillons. De plus, nous avons réussi à obtenir des documents et une formation en français pour les conducteurs de 55 ans et plus, le programme «55 ans au volant».
4. Quelle est la priorité pour 2011?
« Pour 2011, notre thème prioritaire est la cybersécurité. Nous avons un programme pour les jeunes francophones de 18 à 35 ans pour les aider à lutter contre ces crimes sur Internet, qui sont de plus en plus nombreux. J’ai moi-même été victime de vol sur Internet. Un pirate m’a volé mon mot de passe pour mon courriel, et j’ai perdu mes 500 contacts. C’est très difficile; je me suis sentie déshabillée. Mais ça prouve que n’importe qui peut se faire prendre. D’une certaine façon, ce qui m’est arrivé est une bénédiction, parce que de cette manière, le message a mieux passé. »
5. Parlez-nous de vos engagements en dehors du GCCÉ…
« Je travaille avec plusieurs organismes provinciaux et gouvernementaux, dont la Fédération des personnes âgées, et des groupes sur la violence familiale et les services aux victimes, par exemple. Dans certains organismes où je m’implique, je révise les textes pour m’assurer de la présence du français. J’ai la chance de percer là-dedans pour changer les choses. Je travaille aussi avec les jeunes dans les écoles. Nous produisons des clips vidéo sur les sports; des messages qui disent que la pratique du sport peut-être amusante, et non seulement axée sur la performance. Je fais aussi du bénévolat à l’aréna. Le sport, c’est une partie de la vie que j’aime beaucoup. »
6. Vous devez tirer une grande fierté de ces accomplissements…
« C’est emballant! C’est super! Je me trouve surtout chanceuse d’avoir la possibilité de faire ça. Ça me donne la chance d’apporter mon point là-dedans, pour les francophones d’ici, et même du Nouveau-Brunswick. J’aime apporter le point de vue des francophones de l’Île. Je vais continuer mon travail jusqu’à ce que je ne sois plus capable. Il y a tellement de nouveaux besoins. J’ai commencé dans l’enseignement et comme religieuse. Si j’avais à recommencer, j’irais en criminologie. Mais c’est mieux plus tard que pas du tout. Je suis vraiment contente de ce que nous avons réussi à faire. J’essaie d’apporter ma petite part là-dedans, pour qu’on se sente tous en sécurité. C’est pour le bien-être des gens, et pour le mien aussi. Ce que je souhaite, c’est que les membres de la communauté soient capables de vivre ensemble le plus paisiblement possible. Faire en sorte que la population trouve des solutions pour que notre qualité de vie soit meilleure. Ça a pris du temps. Ça a pris quatre ou cinq ans avant d’avoir des résultats. Mais je trouve que même si dans un mois, j’ai sept cas de déclaration de victimes, au moins, il y a des gens qui ont rapporté ces cas. On n’enrayera pas tout, mais au moins, on en fait de petits bouts. »